Venise for ever.

Venise for ever.

GIONO ET VENISE.

 

Jean Giono aimait beaucoup Venise et détestait Florence. L'écrivain haut-provençal, pacifiste intégral, munichois, qui pactisa avec le régime de Vichy, fut le témoin de cette Provence haute-alpine, rurale et taiseuse, qui tranchait avec l'exubérance marseillais d'un Pagnol. Il fut surnommé le "voyageur immobile", oxymore qui illustrait le paradoxe de cet écrivain, ancré dans sa terre provençale tout en étant ouvert sur le monde. Dans son "Voyage en Italie" (1953), voici ce qu'il écrivait sur la Sérinissime :

 

"Le touriste a fait de cette ville un décor à usage de touriste. Ruskin s'en est mêlé et Wagner et d'Annunzio et le Duce et maintenant Laurel et Hardy; si on ne sait pas qu'elle est surtout une ville à usage de Vénitiens, on ne la voit guère. J'ai visité les musées, comme tout le monde, et je me suis baladé en gondole sur le grand canal. J'en ai eu vite assez. On croise des Allemands, des Anglais, des Français, des Chinois, des Turcs, pas d'Espagnols toutefois. Ils ont des têtes montées sur pivot; ils regardent de tous les côtés, comme si le temps pressait. Moi, pour que je sois heureux, il faut que je  me voie entouré de types sur le visage desquels on lit clairement que demain il fera jour. Je fais tout très lentement. J'aime ça. Si on se bouscule pour quoi que ce soit, je m'en vais, quitte à ne pas attraper ce que les autres attrapent. Si on me dit, les yeux exorbités, il faut absolument visiter ça, il y a de grandes chances pour que j'aille faire la sieste avec un roman policier. Je me ballade évidemment avec un guide à la main: je ne vais pas avoir le sot orgueil de vouloir me faire prendre pour un gars d'ici; j'ai bien assez d'autres défauts. Je porte donc très ostensiblement le bréviaire du touriste puéril et honnête. C'est d'ailleurs commode pour y fourrer les tickets de tramway [...]. Voilà pourquoi je n'ai pas parlé du palais Rezzonico, du pont du Rialto, du palais Vendramin, et de la Ca d'Oro. Je les ai vus, bien entendu, mais entre autres. Par contre, je suis entré, avec une timidité éblouie, dans des dizaines de maisons extraordinaires qui ressemblaient à la maison que j'ai habitée à Manosque, avec mon père et ma mère pendant toute ma jeunesse."

 

Eloge de la lenteur et des chemins de traverse, pour visiter la Cité des Doges, on constate que sa terre natale, Manosque, n'est jamais très loin dans son esprit.

 



15/09/2017
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